Politique coercitive du logement : les professionnels réagissent
Encadrement des loyers, renforcement des sanctions envers les communes qui ne respectent pas le quota de logements sociaux, l’actualité immobilière de ces derniers jours suscite la réaction des professionnels.
La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a créé un nouveau dispositif pérenne d’encadrement des loyers qui rentrera progressivement en vigueur dans les agglomérations où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements.
Cet encadrement consiste à définir un loyer maximum, exprimé en euros par mètre carré, que les logements mis en location ne devront pas dépasser. Un complément de loyer pourra être appliqué aux logements présentant des qualités particulières (de localisation ou de confort) par rapport aux logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Les loyers de référence sont arrêtés par le préfet pour chaque catégorie de logement sur la base des données produites par un observatoire local des loyers agréé par la ministre. L’encadrement des loyers sera appliqué de manière progressive, au fur et à mesure de l’agrément des observatoires locaux des loyers sur les différents territoires concernés.
Pour l’instant, seuls deux observatoires ont été agréés : Paris et Lille. A Paris (intra-muros), où l’observatoire est agréé depuis décembre 2014, l’encadrement des loyers entrera en vigueur le 1er août 2015, après la publication de l’arrêté préfectoral donnant les loyers de référence par type de logement (location nue ou meublée ; nombre de pièces ; période de construction). Sont concernés les nouveaux baux et les relocations. Les montants de ces loyers de référence seront très prochainement consultables sur internet, pour tout type de logement, et en fonction de leur localisation.
A Lille, c’est l’Agence départementale pour l’information sur le logement (Adil) du Nord qui a été agréée en mars 2015 par le ministère du Logement en tant qu’observatoire local. La collecte des données nécessaires à la définition des différentes catégories de logements est en cours.
Pour Jean-François Buet, Président de la FNAIM, « La FNAIM a toujours considéré la mise en place de l’encadrement des loyers comme un mécanisme inutile et dangereux : inutile car on constate que, sous l’effet de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages et de la dégradation des conditions économiques générales, les loyers de relocation dans l’ensemble des métropoles ont baissé ; dangereux parce que l’encadrement dissuade les investisseurs qui, devant le manque de liberté, arbitreront pour d’autres placements. Ce n’est pas en prenant le risque de faire fuir les investisseurs que l’on augmentera l’offre locative. » « La mise en place de l’encadrement des loyers à Paris relance le débat sur la cause de la cherté des loyers dans les villes dont le marché est tendu parce qu’elles souffrent d’un déséquilibre sérieux entre la demande, importante, et l’offre, notoirement insuffisante ».
De son côté, Sylvain Elkouby, dirigeant-fondateur de www.syndicexperts.com estime que « cette loi est une erreur. L’encadrement des loyers à Paris va profiter aux gens les plus aisés car il va surtout concerner les grands appartements et très peu les petites surfaces »
Les communes qui ne respectent pas le quota de logements sociaux imposé par la loi SRU du 13 décembre 2000 devront signer, d’ici fin 2015, un « contrat de mixité sociale ». L’Etat et les préfets pourront user de moyens coercitifs à l’encontre de celles qui seraient récalcitrantes. Ce taux obligatoire de logements sociaux, initialement de 20%, a été relevé depuis septembre 2014 à 25% d’ici à 2025. Il s’applique dans les communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Île-de-France).
Réaction de Norbert Fanchon, Président du directoire du Groupe Gambetta : « Avec les contrats de mixité sociale, Sylvie Pinel semble enfin vouloir faire appliquer la loi SRU. Il est temps, car aucun des précédents gouvernements n’a voulu régler le problème du manque de logements sociaux et de la non application de la loi. Cependant, la mesure est-elle appropriée à la situation ? La loi SRU permet déjà aux préfets de signer des permis de construire de logements sociaux dans les villes carencées… Il est regrettable qu’il faille une loi pour faire appliquer la loi. Le logement est un sujet suffisamment important pour ne pas être le terrain d’un affrontement idéologique entre Etat et communes.
L’encadrement des loyers dans le secteur privé va peut-être calmer la fièvre des loyers, mais il ne produira aucun logement supplémentaire dans les zones visées. Ses effets sont donc imprévisibles. Si Paris est la seule ville test, pour l’instant, c’est parce que son Observatoire des loyers est ancien et fonctionnel. La loi prévoit la généralisation du dispositif à toutes les villes où le marché locatif est tendu. C’est une question de temps, celui qu’il faudra pour agréer les Observatoires locaux.
Construire plus de logements, privés ou sociaux, est une nécessité et tous les promoteurs sont prêts à relever le défi. Mais la mise en chantier d’un logement ne se résume pas à une décision administrative, qu’elle soit communale ou préfectorale. L’Etat, qui parle aujourd’hui de « contrat », tarde à remplir sa part d’engagements. Libération du foncier public, simplification des normes de construction, lutte contre les recours abusifs, etc., tout a été annoncé mais rien n’est vraiment résolu.
Une priorité, le logement ? Oui. Mais laquelle ? Celle qui consiste à construire plus ou celle que l’on connaît depuis des années, qui se contente de gérer la pénurie ?
Source : http://www.mon-immeuble.com/